C’est le titre d’un cycle de conférences proposé par le MUCEM (Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée) en ce début d’année. Le premier intervenant, l’écrivain Patrick Chamoiseau a plaidé avec talent pour : « un Tout-monde qui est notre univers tel qu’il change et perdure en échangeant » D’autres conférences, à ne pas manquer, sont proposées sur le même thème. Dans un récent article présentant une collection d’ouvrages intitulés Histoire et Civilisations, l’historien Jacques Le Goff distingue une civilisation d’une culture : « la civilisation repose sur la recherche et l’expression d’une valeur supérieure, contrairement à la culture qui se résume à un ensemble de coutumes et de comportements. La culture est terrestre quand la civilisation est transcendante » Jared Diamond dans son dernier ouvrage ‘Le Monde jusqu’à hier’, en de référant aux peuples primitifs de Nouvelle-Guinée, nous incite à regarder les sociétés dites ‘traditionnelles’ sous un angle nouveau : « Notre fascination pour ces sociétés vient en partie de notre besoin de connaître des gens qui nous sont si semblables et si compréhensibles par certains côtés, si différents et si difficiles à saisir à d’autres titres » Edgar Morin quant à lui apporte les précisions suivantes : « Lorsque j’ai parlé de « politique de civilisation », je partais du constat que si notre civilisation occidentale avait produit des bienfaits, elle avait aussi généré des maux qui sont de plus en plus importants ».
Ces références, pourront paraître prétentieuses. Néanmoins ces intellectuels nous invitent à nous interroger sur des comportements qui, au nom de l’universalité de la civilisation occidentale, dénient le droit à un groupe humain (une communauté un peuple une ethnie ? ) de défendre un mode de vie et une culture pourtant reconnue de longue date. L’actualité quotidienne témoigne hélas de propos et de gestes qui s’apparentent à de la barbarie au nom des valeurs de civilisation trop facilement mises en avant. Regretter que Hitler n’ait pas exterminé tous les Tsiganes, que les services de secours soient intervenus trop rapidement sur un incendie de caravanes, quand, à Paris des individus arrosent d’acide des femmes et des enfants et qu’à Marseille d’autres tirent à la carabine sur une femme, n’est-ce pas de la barbarie ? Ces faits, parmi d’autres, ne semblent pas émouvoir outre mesure nos concitoyens et pas davantage les responsables politiques ou les magistrats. Ces derniers jours, la mort d’un enfant lors de l’incendie d’un bidonville, la traque permanente, a Villeurbanne, ou à Lille des familles qui cherchent à fuir la misère et le racisme, sont autant de preuves que civilisation et barbarie se conjuguent encore aujourd’hui au quotidien en France comme en Europe.
Il faut savoir gré à quelques humanistes éclairés de nous rappeler les graves dérives où peuvent conduire une telle schizophrénie et une telle perte de mémoire collective. La formule de Paul Valéry à l’issue du désastre de 14/18 est encore d’actualité : « nous autres civilisations nous savons maintenant que nous sommes mortelles »
Marseille le 13 février 2014
Alain FOUREST