Olivier Peyroux : « Voler ou mendier n’est pas un trait culturel »
15 janvier 2014 |
Par Carine Fouteau
Le sociologue Olivier Peyroux affronte le tabou de la délinquance des jeunes pickpockets du métro et autres voleurs à la tire originaires d’Europe de l’Est. Il montre qu’ils sont avant tout des mineurs en danger et qu’il revient à la protection de l’enfance de les prendre en charge.
Des fillettes en bande qui volent effrontément dans le métro parisien, des jeunes hommes surhabillés se prostituant aux abords des gares, pendant que d’autres, à peine plus âgés, font des tours de passe-passe à proximité des distributeurs à billets. Qui sont ces mineurs chapardeurs errant ou courant dans les rues des grandes villes ? Olivier Peyroux a étudié les conditions de vie de ces adolescents originaires d’Europe de l’Est qui font peur aux passants. Délinquants, un peu, victimes, surtout, car ils sont exploités par des réseaux, le plus souvent familiaux.
Son livre, Délinquants et victimes, la traite des enfants d’Europe de l’Est en France, aux éditions Non Lieu, paru en novembre 2013 et préfacé par Robert Badinter, est indispensable tant il remplit un manque. Le sujet est si délicat qu’il est tabou pour les uns, surexploité par les autres, et en tout cas généralement mal traité. Il est tabou pour ceux qui viennent en aide aux populations précarisées comme les Roms et qui redoutent les amalgames avec la délinquance. Il est surexploité par ceux qui trouvent un intérêt, politique le plus souvent, à dresser les groupes humains les uns contre les autres, et notamment les pauvres contre les pauvres.
Aujourd’hui sociologue, l’auteur a vécu six ans en Roumanie et a travaillé près de sept ans en France pour l’association Hors la rue, qui vient quotidiennement en aide aux mineurs étrangers en difficulté. Lors de cette mission, il a été amené à rencontrer des dizaines d’enfants victimes de la traite. C’est dans ce cadre de l’exploitation criminelle des mineurs et de la protection de l’enfance qu’Olivier Peyroux place son analyse documentée et minutieuse. Il bénéficie de son expérience du terrain, de son observation des blocages institutionnels pour raconter comment des réseaux mafieux ou des familles élargies s’évertuent à détourner des pratiques économiques ou culturelles (dots, dettes, etc.) à leur profit en incitant ou contraignant des jeunes à voler ou à se prostituer.
Olivier Peyroux, Délinquants et victimes – La traite des enfants d’Europe de l’Est en France, Non Lieu, 203 pages, 20 euros, novembre 2013.