Marseille Provence 2013 Capitale européen de la culture ;
Plusieurs manifestations sont a retenir au long de l’année dont nous vous tiendrons informé
A ne pas manquer dans les prochains jours
Tranches de vie « à la gitane »
Une belle exposition à découvrir dans le somptueux bâtiment du J1 à Marseille. Photos Robert Terzian
Nouvelle installation dédiée au quotidien des Gitans Arlésiens à voir et à entendre jusqu’au 17 mars au J1 tous les jours de 12h à 18h.
Se raconter, se connaître, habiter, vivre en communauté, c’est du quotidien des Gitans arlésiens dont il s’agit ici. Réalisée par l’association Petit à petit et présentée par le Museon Arlaten, musée départemental d’ethnographie. L’installation exposée au J1 jusqu’au 17 mars* est le fruit de tout un travail de médiation avec les habitants du quartier des Platanes à Arles pour « valoriser la vie de ces Gitans, leur mémoire, leur culture et leur identité à travers une démarche de collecte et d’enquête ethnographique », raconte Anne Drilleau à la coordination de l’association qui travaille au quotidien avec la communauté dans un quartier spécifiquement conçu pour eux.
La matière recueillie est essentiellement sonore, bruyante à l’image de la vie dans un lieu mâtiné de nostalgie. Photographies, dessins mais surtout récits thématiques, l’exposition invite d’abord le visiteur à se défaire de ce qu’il croit savoir, comme s’il déposait un bagage avant un voyage immobile du nomadisme à la sédentarité, de la caravane à la maison, de la liberté à l’enfermement, Sur l’espace dédié à la communauté gitane, des photographies d’abord du quartier arlésien qui forme un îlot urbain à part entière entre le quartier de Barriol et le centre-ville. Les maisons sont construites à l’effigie de la caravane. Les demeures aux toits arrondis se succèdent dans une mitoyenneté qui rappelle fortement le campement gitan. Une étape vers la sédentarité qui n’échappe pas au paradoxe.
Nostalgie d’un passé de voyageurs
Quel impact a eu ce changement d’habitat sur le mode de vie gitan ? Pour certains d’entre eux, « les conséquences d’une vie en maison ont modifié leur notion de liberté, de déplacement, la façon de partager les biens et le travail, l’accès gratuit au logement, à l’eau et à l’électricité, l’accès à l’école », explique la coordinatrice. Les Gitans sédentarisés vivent un tiraillement culturel au quotidien, entre la nostalgie d’un passé de voyageurs allant de pair avec le voeu de préserver cette particularité et le souhait d’accéder à la modernité et au confort. De là peuvent naître des discours et des pratiques en apparente contradiction. La mémoire et la nostalgie de la caravane se donnent à voir dans les pratiques et les façons de vivre « à la gitane ». Habiter le même quartier, être voisins, se retrouver ensemble au pied de la maison, cuisiner dehors, la communauté semble préserver ces pratiques pour protéger et transmettre un mode de vie qui semble fragilisé par la sédentarisation. Les femmes également racontent leur quotidien non moins tiraillées entre les différentes cultures. « Les femmes françaises sont plus libres, elles peuvent divorcer et travailler », peut-on entendre au fil de l’exposition « tiroir ». Sur les panneaux consacrés au partage de mémoires gitanes, des fenêtres peuvent s’ouvrir et se fermer pour y découvrir des images comme autant de tranches de vie d’une communauté évoluant au sein de la société contemporaine. Des espaces sont également dédiés aux sons enregistrés lors des différents ateliers mis en place avec les scolaires et notamment un groupe de femmes gitanes.
Un web-documentaire par les femmes gitanes
Pendant deux années, différentes productions ont été réalisées dont un documentaire radiophonique autour de la culture gitane avec les élèves de CM1-CM2 de l’école Marie-Curie à Arles, ainsi que l’adaptation radiophonique d’un conte sur la culture gitane avec la classe Enaf (Enfants nouvellement arrivés en France) du collège Ampère. L’édition du web-documentaire composé avec les femmes du quartier des Platanes offre également quelques morceaux choisis d’une vie « à la gitane »**. Un travail qui ne manque pas de « bousculer les préjugés autour de la culture gitane », lance Anne Drilleau. Car si les origines du peuple gitan font l’objet de divers débats académiques, elles restent floues pour les gitans eux-même qui n’associent pas leur culture et leurs origines à un passé historique mais à une mémoire collective, qu’ils font vivre au présent et qu’ils adaptent aux cadres actuels de la société dans laquelle ils vivent. Une belle exposition à découvrir dans le somptueux bâtiment du J1 à Marseille.
Emmanuelle Barret
Le monde est chez nous
les musiques du monde d’ici
Arcade vous invite à une table ronde le 21 mars de 10 h à 12 h dans le cadre de Babel’Med aux docks des Sud :
Au cours de cette rencontres Philippe Fanisse nous présentera le programme du festival des musiques du monde qui rassemblera à Aubagne les 8 et 9 juin 800 artistes présents dans la région et bien sûr des groupes Tsiganes.
Et toujours le FESTIVAL LATCHO DIVANO
du 28 mars au 8 avril avec comme point d’orgue le 8 avril la journée internationale des Roms.
A voir tout le programme sur www.latcho-divano.com
A Marseille mais aussi à Paris la cuture Tsigane est à l’honneur
Manuel Agujetas,
le Gitan de Jerez, est l’incarnation du flamenco
LE MONDE | 25.02.2013 Par Francis Marmande
Le premier cri fait trembler. Agujetas s’appelle Manuel de Santo Pastor. Pour peu qu’il soit saisi, son guitariste ne l’appelle jamais Agujetas. Entre deux accords, il murmure : « Vale, Manuel ! » Cantaor historique, Gitan de Jerez sans tradition – il les fonde toutes -, Manuel Agujetas ouvre une bouche de caverne. Le cri.
Complet anthracite, chemise de soie, le voici parfaitement calé en fond de chaise. Coude droit appuyé sur le genou, il s’adresse à nosotros : « Vous me connaissez, non ? Ce soir je vais chanter pour vous, et je vais chanter Vieux. » A Rota, on le dit né en 1939. En scène, il est sans âge. Il les cumule.
Mince et massif, le coeur monté aux yeux, il chante comme chantent ses enfants, Dolores, Antonio. Il chante comme chantent ses frères, Dorgo, Paco, Diego et Luis. Il chante comme chantait son père Agujeta el Viejo. Mais il ne chante que comme lui, Agujetas, et personne ne chantera jamais plus comme Agujetas. Le Vieux lui a transmis l’art de Manuel Torre. Par trois fois, Agujetas chante por siguiriya (forme tragique), selon la loi de Manuel Torre. Précisant : « Je ne suis pas artiste, je suis gitan. »
Il ne chante pas du flamenco. Il est le flamenco. Il l’est des orteils à la racine de ses cheveux de geai. Il enchaîne soleas, fandangos, trois siguiriyas de Manuel Torre, un martinete a palo seco (à voix nue). Le flamenco comporte une soixantaine de palos qui se déclinent en autant de styles, de voix, d’accents. Agujetas les connaît par coeur et les chante. Sauf la buleria, le style allègre de Jerez qu’il connaît par coeur aussi, mais qu’il ne chante jamais.
Silence de sépulcre
Dans la vie, il est joie, entrain, terriblement lui. En scène aussi, mais il ne chante que les formes graves, les fatigues du destin, la joie devant la mort, la déchirure des amours, et la passion d’exister. On en sort brisé, consolé, effrayé. Entre deux cantes, lui, il fait le con, lance une blague, pour nous détendre. Il est libre. Dès qu’il chante, dans un silence de sépulcre, il s’adresse à la part la plus cruciale de l’être. Ses mains dansent comme les oiseaux aquatiques de la baie de Cadix. Si le chant s’en va, il se dresse d’un coup et finit en marchant vers la sortie. Antonio Soto, guitariste efficace, tricote une fin à l’amiable.
Supposez un instant que vous ayez l’honneur d’accompagner Agujetas. Surtout, pas de chichis, pas d’harmoniques pomponnées, pas de contorsions modernistiques. Non, faites juste comme Antonio Soto. Jouez direct, efficace, dans le compas, soyez comme l’auditoire : certains qu’Agujetas, si ça ne va plus, il se barre. Il n’est pas là pour la galerie. Il est là pour la vie. Invitant à danser, pour finir, son épouse, la señora Kanoko, « la meilleure bailadora du monde ». On le croit. Comme on le croit quand il dit que non, il ne sait ni lire ni écrire. Que « ce savoir-là empêche le savoir prononcer ». Il sait prononcer.
Nous, les Gadjos, on se demande toujours où se chante le vrai flamenco. Où l’on pourrait l’entendre ? C’était à Paris, à la Cité de la musique. Trois jours trop vite passés d’un festival au succès éclatant. Un auditoire qui reste, en matière de flamenco, un des meilleurs du monde. Illettré, Agujetas sait par coeur plus de cinq mille poèmes, quelques millions de « lettras ». Paroles… Lui, il les recrée. Voix unique. Feu du ciel. Autant demander à un livre s’il sait lire. Olé y olé y olé, Maestro !
Francis Marmande