Les Roms toujours sous la menaces d’expulsions

Les Tribunaux à Aix comme à Marseille poursuivent à la demande des élus et avec un certain aveuglement, leur travail de mise à la rue des familles Roms. Les forces de police appliquent sans sourciller et mobilisent de gros moyens. Les diverses manifestations devant la mairie de Marseille comme celle d’Aix ne semblent émouvoir personne. Monsieur Gaudin et son adjoint Monsieur Bourgat réaffirment que ces familles sont traitées de manière humaine et que seule la responsabilité du gouvernement est engagée. Après plus d’un an d’attente, une réunion est programmée le 10 juillet à la Préfecture des Bouches-du-Rhône.

La note de Marc DURAND, Vice-Président de Rencontres Tsiganes, résume hélas l’état des lieux et l’absence de perspective à court terme.

A Aix, la chasse aux Roms est ouverte

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Nous sommes à la veille de l’audience du Référé visant à l’expulsion de tous les Roms de la commune d’Aix.

Voici un papier de Marc Durand, qui milite depuis des années pour des conditions d’accueil décentes, humaines, dignes, justes des Roms sur le territoire de la commune d’Aix.
Dans ce qui suit, il s’agit de Roms-migrants d’Europe de l’Est, et non de Gens du Voyage. Les Roms, eux, n’ont pas accès aux aires d’accueil ouvertes aux Gens du Voyage ; parmi le Roms il y a les Roumains, qui sont Européens, mais, de fait, empêchés de travailler par une réglementation spéciale (et donc expulsables après trois mois car ils ne peuvent pas justifier de revenus corrects) ; il y a aussi les Serbes les Croates et les Bosniaques qui eux tous sont des sans-papiers, expulsables eux aussi s’ils s’installent, mais ils peuvent voyager avec leurs passeports.

Depuis 2005 environ, pendant cinq ans se sont trouvés sur la commune d’Aix un groupe de Roumains, sur un terrain coincé entre autoroute et voie ferrée quasi désaffectée, en bordure de la banlieue ZAC. Depuis 2006 un groupe de Serbes campe à une quinzaine de kilomètres du centre-ville, sur le plateau de l’Arbois. Les noyaux de chaque groupe étaient relativement stables. Terrains insalubres, sans eau pour les premiers, un point d’eau pour les autres, électricité « piquée » par certains, ou sur batteries ou avec de petits groupes électrogènes. Caravanes délabrées et cabanes de planches constituent les logements.

Pendant cinq ans ces groupes ont survécu, pourchassés, avec visites constantes et menaçantes de la Police, municipale le plus souvent. A ceux-là il faut ajouter des petits groupes d’anciens Yougoslaves, mieux équipés, qui passent, restent quelques semaines avant d’aller voir ailleurs.

Les Roumains, de 40 à 80, étaient aidés par un bénévole du quartier limitrophe, aucune scolarisation des enfants. Ils se retrouvaient avec les SDF au centre d’accueil d’urgence, pour les douches et quelque aide alimentaire, allaient aux permanences de Médecins du Monde. Les Serbes (une cinquantaine) ont été aidés de façon plus structurée par un groupe de bénévoles, et après deux ou trois ans par deux éducateurs dépendant du Conseil Général. Les enfants ont été scolarisés, le suivi médical a été organisé. Madame le Mairie a toujours refusé d’aider en quoi que ce soit, les bénévoles ont pris en charge les frais de bus scolaires, de cantines, d’animation des enfants pendant les vacances. Des expulsions répétées ont eu lieu chez les Roumains, ils allaient un peu plus loin à chaque fois, et revenaient petit à petit. Certains on trouvé des sous-locations de studios dans des HLM en ville, ce qui leur procure un minimum d’abri relativement stable.
Les Roumains sont assez efficaces pour ramasser la ferraille, les Serbes faisaient les décharges publiques. Mais on a institué pour eux bien des obstacles : exigence d’être payés par chèques pour la ferraille…, il fallait y penser. Et engagement de procédures pour « vol en réunion » pour ceux qui font les décharges…Les femmes, traditionnellement en charge de la nourriture familiale, assurent le quotidien grâce à la manche. Le reste de l’argent part souvent en Roumanie, chez les Serbes il est dépensé sur place, ils n’ont plus aucun lien avec leur pays.

Depuis août 2010 et un certain discours du Président de l’époque…, la « vraie chasse » a commencé, et d’abord par l’expulsion et l’écrasement de tous les biens d’un petit groupe de Roumains qui avaient débordé sur un chemin limitrophe. Pour une vingtaine de personnes sont venus trois groupes différents de Police, presse écrite et télévisée ont été convoquées pour témoigner de l’événement. Faire un spectacle télévisé de l’écrasement de tous les biens des plus pauvres de la population en dit long sur la considération que la municipalité, soutenue par la Préfecture, a pour ces personnes.

Depuis la même époque s’est intensifiée la chasse aux Roms à Marseille, constante, implacable, des mois durant, cassant tout le travail des associations, poussant les personnes à vivre sur les trottoirs pour les poursuivre encore. Quelques-uns sont venus sur un petit terrain aixois, et vite ont été envoyés à l’Arbois, le plateau situé à quinze kilomètres de la ville où se trouvent les Serbes. Madame le Maire leur a expliqué que là-haut ils auraient tout le confort dont ils ont besoin sur l’aire d’accueil des Gens du Voyage (alors qu’en fait elle leur est interdite)…et ils ont cru le Maire ! Du coup,ils se sont retrouvés non loin de là, sur un terrain vague, sans eau ni électricité et ont recommencé à construire des cabanes en planches. Les intervenants bénévoles du plateau de l’Arbois ont travaillé à la scolarisation des enfants, au suivi médical…mais les « autorités » leur ont fermé l’accès à la salle de PMI toute proche où ils pouvaient faire suivre médicalement les enfants…On fait venir un camion de Médecins du Monde tous les quinze jours.

Petit à petit d’autres Roms sont arrivés, épuisés par les nombreuses expulsions subies à Marseille. Fin 2011 ils étaient en tout une centaine. En janvier dernier, d’autres groupes sont arrivés de Marseille, deux se sont installés dans la banlieue d’Aix, les autres sont allés sur le plateau de l’Arbois. Rien n’était plus gérable pour les associations et bénévoles, car des populations ainsi discriminées, pourchassées, ne sont plus prêtes à s’installer sur un terrain, scolariser leurs enfants, etc…elles s’efforcent de survivre, le reste ne les concerne plus. La situation était mûre pour l’action de Madame la Maire.

Les deux nouveaux groupes d’Aix ont été assignés en justice, sans aucun délai pour organiser leur défense : le tribunal leur a donné trois semaines pour déguerpir et le Préfet à donné les forces de l’ordre dès le premier jour de la fin du délai. Ils sont pour la plupart sous un pont d’autoroute dans Marseille. La Maire de Luynes (quartier où certains se trouvaient) a organisé une réunion publique de stigmatisation des Roms…c’était l’Hallali, bien orchestré par cette élue. Puis la Mairie a assigné les anciens d’Aix, près de l’autoroute. Ils ont obtenu du Tribunal un délai pour organiser leur défense…bien inutile ! Le Tribunal a reconnu qu’on ne peut pas expulser sans proposer un hébergement d’urgence (arrêt du Conseil d’Etat), mais que le « trouble à l’ordre public » est manifeste et prioritaire : il leur a donné un mois, à eux de trouver un hébergement d’urgence ! « Trouble à l’ordre public », mais ils sont tous éloignés de toute habitation, il faut chercher pour les voir. Madame le Maire peut se frotter les mains, elle qui dans ses attendus dit vouloir les expulser pour obliger les « associations caritatives » à leur trouver des logements au lieu de les maintenir dans des lieux insalubres !
Et enfin sont assignés le mardi 29 mai tous les habitants du plateau de l’Arbois -Roumains, Serbes, Croates, plus de deux cents personnes, les derniers à se trouver sur le territoire de la commune lorsque la fournée précédente aura eu la visite des policiers et des bulldozers au petit matin (ils ont encore quelques jours) . Madame le Maire a gagné son pari, elle qui a annoncé en Conseil Municipal d’Avril « dans quelque temps, il n’y aura plus un seul Rom sur ma commune ». A moins que le nouveau gouvernement pense que ce n’est peut-être pas du rôle de la Police que d’ exécuter certaines décisions municipales ineptes…mais à Marseille la dernière expulsion remonte à trois jours.
Par leur aide, même limitée, le Conseil Général, le Conseil Régional ont manifesté un soutien aux bénévoles et le refus de cette inhumanité.
Mais à Aix, « ville d’eau, ville d’art » on peut chasser impunément, détruire tous les biens des plus pauvres, anéantir toutes les actions d’intégration, scolarisation, éducation, supprimer les soins sanitaires (ces populations sont extrêmement fragiles et mal portantes) parce que la présence de ces gens est « un trouble manifeste à l’ordre public ». Que des responsables politiques aient si peu le sens de leurs responsabilités – l’expulsion ne fait que déplacer les problèmes, en y ajoutant les souffrances – que ces élus considèrent les populations les plus pauvres comme des sous-hommes, cela ne semble pas troubler la majorité de nos concitoyens de la belle ville d’Aix-en-Provence
Comment terminer si ce n’est en répétant la conclusion d’un éditorial signé par l’Archevêque d’Aix venu visiter les Roms le jour d’une expulsion : « Si on les traite comme…des chiens, il ne faudra pas nous étonner s’ils attrapent la rage ! »

 

Marc Durand, Vice-Président de Rencontres Tsiganes


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